Thé vert d’exception de Chine : Anji Bai Cha (récolte 01/04/2015)

Vous le savez, j’ai eu la chance d’assister à la dégustation des grands crus de Chine 2015, organisée par Nadia Bécaud, à l’Institut du thé. Si cela vous avait échappé, vous pourrez assister à la séance de rattrapage en cliquant sur ce lien : https://lefebvrephilippe.wordpress.com/2015/05/14/degustation-des-grands-crus-de-thes-nouveaux-de-chine-nadia-becaud-9-mai-2015-2/

Le titre de cet article annonce tout un programme : un thé vert d’exception de Chine, Anji Bai Cha. Le but de cet article est double, tenter de vous retranscrire au mieux la dégustation de ce thé orchestrée par Nadia Bécaud (complétée de ma propre dégustation), tout en vous faisant ressentir le caractère unique de ce moment. Soyez indulgents, je ferai de mon mieux pour satisfaire ces souhaits !

Découvrons ensemble l’Institut du thé et la sélection de Nadia Bécaud.

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Je vais vous présenter un thé vert d’exception de Chine 2015, peut-être même « le » thé vert de Chine : Anji Bai Cha.

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Préambule :

* La particularité des récoltes d’exception :

Après la longue période hivernale, tous les regards sont tournés vers la Chine, berceau du thé, en particulier pour ses grands crus de thé vert nouveaux récoltés une seule fois dans l’année. De tous temps, ces thés dont les noms (et ceux des jardins) résonnent de leur prestige, étaient réservés aux connaisseurs et aux autorités chinoises. Très sollicités, ces thés font l’objet d’une demande sans nulle autre pareille tant ils sont convoités. La recherche d’obtention de la récolte la plus précoce et la plus proche de la date de début de cueillette ajoute à son caractère prestigieux.

Ce qu’il faut retenir avant tout est simple : 1 seule récolte dans l’année ! Les producteurs travaillent toute l’année pour récolter le produit de leur dévotion pour leur thé lors d’une très courte période au printemps, aux alentours de Qing Ming. Il s’agit, pour ces thés, d’une volonté de production qualitative et non quantitative. Pour Anji Bai Cha, il s’agit d’une recherche du thé idéal, il faut que le thé produit soit parfait ! A cela, il faut ajouter le fait que les théiers produisent peu, on évalue souvent le taux moyen de production du thé fini à 23% par rapport au thé cueilli (les feuilles fraîches). Par exemple, 1kg d’Anji Bai Cha produit = 4kg de feuilles fraîches d’Anji Bai Cha cueillies.

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* Pourquoi cette recherche de la date la plus précoce ? 

Les paysans sont sur le qui-vive à l’approche de Qing Ming. Le climat joue un rôle essentiel et altère de manière irréversible la qualité du thé produit une seule fois dans l’année. Des gelées, un coup de froid ou à l’inverse, une forte chaleur soudaine modifient la qualité du nouveau bourgeon, sa pousse, sa taille, sa valeur gustative… Il s’agit, pour le cultivateur, de saisir le moment opportun (dans la pensée grecque ancienne, on nommait cela le kairos, qui est à comprendre comme la saisie du moment opportun, démocratisé comme étant « l’instant T » de l’opportunité : avant c’est trop tôt, après c’est trop tard). Il faut être prêt et surveiller la croissance du nouveau bourgeon tout en restant attentif au moindre changement climatique !

Un jour de trop et le thé change complètement d’aspect, de taille, par extension de qualité. Il en est de même pour ses notes aromatiques ! Plus le temps passe (ici, il s’agit du moindre jour), plus la photosynthèse aura eu le temps d’agir et de modifier le nouveau bourgeon (et les nouvelles feuilles) ce qui aura également pour effet de changer la puissance aromatique ! Nadia nous a parfaitement démontré ce phénomène avec les Long Jing sélectionnés qui, à quelques jours d’intervalle, sont par leur aspect très différents l’un de l’autre, gustativement également.

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* Pourquoi un tel prix ?

Vous commencez à entrevoir la particularité de ces récoltes d’exception de grands crus de Chine. La rareté, la difficulté de se procurer quelques kilos seulement, la recherche de la qualité (voire de la perfection) au détriment de la quantité… Ces thés sont non seulement exceptionnels par le travail minutieux des producteurs, des cueilleuses (formées spécialement pour ces récoltes singulières), ils sont également produits une seule fois dans l’année (après cueillette, on coupe la cime des théiers et c’est fini jusqu’à l’année prochaine !). Issus de jardins et de théiers illustres (voire protégés) leur demande est très convoitée. La recherche de la perfection, de la date la plus précoce (plus il sera cueilli tôt, plus il sera cher), du caractère unique de ces thés, de l’engouement qu’ils suscitent… tout ceci participe à fixer son prix. C’est un moment unique, sans nulle autre pareil, un plaisir sans commune mesure.

* Le Zhejiang & le district d’Anji :

Le Zhejiang est une province côtière, située au sud-est de la Chine, au sud de Shanghai, dont la célèbre capitale est Hangzhou, bordée par le lac de l’ouest qui vous évoquera le thé le plus consommé au monde : Long Jing.

Anji est un district administratif de la province du Zhejiang, situé à 1h de Hangzhou et 3h de Shanghai. Proche de la ville-préfecture Huzhou, Anji se trouve au nord du Zhejiang. Ce comté est connu pour ses bambous qui sont sa principale ressource.

C’est là :

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* Nom du thé : Anji Bai Cha. Littéralement, « blanc (Bai) » – « thé (Cha) » de Anji. Appelé « thé blanc de Anji », ce nom est dû à l’apparence des pousses du théier au printemps, pâles et jaunes, faisant penser à un thé blanc (plus d’explications plus bas). Il s’agirait donc d’un thé vert (vérifié suite à des analyses botaniques) empruntant l’apparence d’un thé blanc, originaire de Anji.

* Famille de thé : thé vert.

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* Provenance : Chine, province du Zhejiang (sud-est), dans le comté de Anji.

* Récolte : 1er avril 2015.

* Cueillette : manuelle, fine, de très haute qualité, composée de 1 bourgeon + 1 feuille.photo 4 (8)

* Forme de la feuille : forme d’aiguilles de sapin (Zhen Xing Cha) , caractéristique de Anji Bai Cha.

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* Sélection : Nadia Bécaud, fondatrice de l’Institut du thé à Poule-les-Echarmeaux (69870).

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* Site web : http://www.institut-the-zen.com

N.B : j’ai réalisé 2 dégustations de Anji Bai Cha 2015, la 1ère réalisée à l’Institut du thé par Nadia Bécaud, la 2nde chez moi où j’ai pu reproduire les conseils de dégustation de Nadia et confirmer ses commentaires.

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A l’ouverture du sachet, un arôme doucereux, fin, élégant, légèrement végétal sans aucune puissance. Une belle note printanière qui évoque la feuille & le bourgeon fraîchement cueillis, doublée d’un subtil arôme floral (fleur blanche). Visuellement, ce thé est très attrayant, dessinant de belles aiguilles de sapin homogènes de couleur verte. Connaissant la spécificité de Anji Bai Cha, je suis toujours agréablement surpris par ce vert printanier des feuilles sèches qui vont pâlir après infusion. Cette année, il est moins fleuri, son caractère est plus prononcé (il suffit d’un jour et d’un temps chaud subitement pour que le thé prenne de la force).

* Mode de préparation :

Nadia nous explique que les chinois préparent les thés nouveaux dans un verre (épais) afin d’observer les critères et défauts du thé. Nadia chauffe les parois et le fond du verre avec une eau à 85°C, puis elle le vide de son eau, dépose le thé dans le verre, verse un fond d’eau chaude pour recouvrir le thé (ce qui permet aux parfums du thé de mieux ressortir).

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D’un geste circulaire, Nadia fait tourner le verre devant elle pour faire pénétrer uniformément l’eau dans les feuilles et ainsi préparer les feuilles à s’ouvrir. Ensuite, Nadia remplit le verre d’eau chaude et laisse infuser le thé 1 bonne minute.

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Enfin, elle transvase la liqueur obtenue dans un pichet en verre (pour contempler la couleur de la liqueur) grâce à une passoire à thé.

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Nadia verse le thé dans de petites tasses de dégustation.

* Le matériel nécessaire est très simple : 1 verre à paroi épaisse, un pichet (ou un autre verre identique) pour récupérer la liqueur, une passoire à thé (ou un filtre de théière), une tasse (de préférence de très petite taille), une bouilloire avec thermostat.

* Dosage : Nadia préconise 3g, c’est suffisant. En Chine, ils utilisent souvent 5g pour préparer l’infusion mais pour Nadia c’est trop car il y a un risque de rendre l’infusion bien plus puissante qu’elle ne l’est en fait (et cela permet d’économiser le thé !).

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photo 1 (13)* Température : 85°C.

* Temps d’infusion : Nadia n’a pas utilisé de minuteur pour préparer Anji Bai Cha. Son expérience, son observation et son attention sont bien plus précises qu’un minuteur. Cela dit, elle nous indique qu’une bonne minute suffit.

* Liqueur : la couleur de la liqueur est extrêmement pâle, d’un vert très transparent et lumineux. La liqueur évoque la finesse, la délicatesse, la douceur fragile, l’instant éphémère d’une grande pureté.

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* Notes de dégustation :

Tout d’abord, il est important d’évoquer la particularité de Anji Bai Cha, grand cru de printemps. La meilleure infusion sera la 1ère ! D’ailleurs, la seconde est tellement différente de la 1ère, qu’il s’agit de ne pas la manquer. Ce thé, si délicat, nous dévoile immédiatement, lors de sa 1ère infusion, les propriétés organoleptiques des bourgeons & feuilles. Les tanins sont juste assez présents (récolte précoce) pour soutenir et équilibrer la liqueur qui sera soyeuse.

. 1ère infusion (la plus importante) : liqueur d’un vert très pâle mais lumineux & transparent, très peu tannique, de texture soyeuse ; les feuilles peu à peu vont commencer à se planter dans le verre comme des petits parachutes, tout en s’ouvrant légèrement et modifiant leur pigmentation (j’y reviendrai plus bas) ; au nez : des arômes fins & délicats, une légère note de légume vert (asperge) à peine présente, doublée d’une pointe florale (fleur blanche) ; en bouche : rond, fin, soyeux, équilibré, fine suavité, un parfait umami se dépose sur la langue, une petite longueur en bouche.

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* 2nde infusion :

La seconde infusion est très différente mais aura un autre intérêt, celui de voir Anji Bai Cha nous offrir un magnifique spectacle de la danse du thé dans le verre ! On pourra également observer la teinte des feuilles radicalement changer et comprendre ainsi pourquoi on l’a longtemps confondu avec un thé blanc !

Je décide de le laisser infuser 3 minutes pour l’observer.

Les aiguilles de sapin sont totalement ouvertes et se déploient dans le verre. La couleur des feuilles est devenue jaune très pâle tirant parfois sur le blanc-jaune, faisant apparaître des nervures centrales vertes.

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Je ne détaillerai pas mes impressions de dégustation pour la seconde infusion, elle est trop éloignée de la 1ère, on perd complètement l’intérêt de ce thé. Cela dit, je vous invite à la faire tout de même, vous boirez un excellent thé vert (vu son prix aussi, n’hésitez pas à l’optimiser !), mais n’attendez plus de lui qu’il soit au même niveau de perfection !

N.B : je ne parlerai pas dans cet article du cultivar (Bai Ye n°1) ni même de la recherche esthétique des chinois pour les grands thés verts, leur sensibilité aux mouvements du thé dans l’eau et la promotion de ceux qui restent parallèles à la paroi du verre. Sachez simplement que l’engouement pour ce cultivar, cette volonté esthétique, ouvrent la porte au risque de perdre la qualité exceptionnelle de Anji Bai Cha et d’assister à une « standarisation » de ce thé, en dépit de la qualité gustative.

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* Où le trouver : http://www.institut-the-zen.com/?page_id=1095

* Prix : 120€ (100g), plus raisonnable 30€ (25g).

* Rapport qualité-prix : son prix est évidemment dissuasif ! Pourtant, la qualité de ce thé est incontestable, unique et sans équivalent. Je me suis contenté de 25g (ce qui est déjà formidable car avoir accès à pareil thé, récolté le 01/04/2015, est déjà une sorte de privilège). La perfection a un prix, celui-ci pourrait être plus excessif encore ! Un moment unique à partager. Bravo à Nadia Bécaud pour cette sélection.

* Note : 19/20.

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* Je le conseille : aux amateurs, connaisseurs qui pourront se ravir de la qualité du millésime 2015. Aux novices qui pourront avoir un point de comparaison avec tous les autres thés verts de Chine nouveaux, il est hors catégorie, il faut le goûter et le contempler pour comprendre. Un moment qu’il s’agit de partager, c’est un magnifique spectacle cette danse des feuilles dans le verre, et c’est stupéfiant d’observer les feuilles changer de couleur !

* Millésime 2015 : cette année, Anji Bai Cha est moins fleuri que le millésime 2014, avec un caractère du thé plus prononcé, sûrement dû au climat. Il reste, toutefois, très soyeux, végétal, puissant mais parfaitement contenu, très affirmé par rapport à d’habitude, développant une subtile note d’asperge doublée de fines notes de fleurs blanches. Sa liqueur d’un vert translucide est suave, souple, douce & lumineuse, avec une longue finale.

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10 réflexions sur « Thé vert d’exception de Chine : Anji Bai Cha (récolte 01/04/2015) »

      1. Merci pour cet article pour un de mes thés fétiches. Je reste néanmoins utilisateur des petites théière (20cl) en verre. Par contre, vais essayer un Tai Ping Hou Kui la semaine prochaine et le verre droit sera obligatoire vu la taille des feuilles

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